L'édito du lundi : "Micro dort"
Dans l'édito du lundi, Emmanuel Massicard évoque l'arrivée des micros sur les terrains. Outre-manche l'idée de faire porter un micro à un joueur pendant un match se développe et devrait aboutir d'ici peu...
Vous connaissez la dernière ? Les joueurs de rugby pourraient désormais porter des micros. Non pas dans le bus, dans les vestiaires ou, encore mieux, sous la douche mais sur le terrain. C’est effectivement l’idée géniale venue d’Outre-manche, où le diffuseur de la première division anglaise tente d’attirer le chaland en accrochant un micro sur le maillot de certains joueurs. Le but de la manœuvre étant d’installer le téléspectateur au cœur du jeu, qu’il soit ainsi dans son fauteuil comme aux premières loges, informé avant l’heure grâce à ce joueur -son nouveau meilleur pote- qui lui murmure à l’oreille.
Magnifique connerie, si vous permettez ici la franchise. Non pas que l’on soit contre le progrès, au contraire. Et même carrément favorable à tout ce qui peut faire grandir notre sport, le dépoussiérer et l’exposer au plus grand nombre sans pour autant le travestir ou le dénaturer, sur l’autel d’une pseudo modernité.
Sur le papier, oui, le principe est séduisant pour ce qu’il suppose d’ouverture et d’éclairage en donnant ainsi la parole aux acteurs d’un jeu dont les codes restent toujours difficiles à capter, plus encore à partager. Mais ne rêvons pas : la sonorisation des joueurs risque de ne pas nous emmener bien loin. Et, au bout du compte, elle pourrait même ressembler à une vraie fausse bonne idée en nous obligeant à surfer sur l’écume d’un -supposé- spectacle quand nous attendons d’avoir à partager une vraie vague d’informations.
Car, franchement, que pourront nous offrir ces voix supposées d’or, quand elles seront dans le feu de l’action ? Qu’auront-elles le temps de raconter ? Qu’arriveront-elles à partager des secrets d’une stratégie future, au risque d’informer directement l’oreille adverse sinon son espion ? Que nous offrirons donc les micros en dehors du bruit des chocs pour témoigner de la fureur ? Des râles, borborygmes, injonctions ou insultes qui feront le buzz mais ne grandiront pas l’auteur, et encore moins sa discipline ? Et puis quoi d’autre, demain, sinon des mi-temps découpées en quatre, des essais à valeur variable, du jeu à douze pour libérer les espaces, la fin de l’en-avant, l’interdiction du Synthol et du camphre ou les confessions du chauffeur de bus ? Halte au cirque.
La belle idée risque de tourner court si elle nous sert une telle soupe de tiédeur. Un plat sans saveur qui ne contentera personne, à part une frange de ce grand public en quête de spectacle facile à consommer mais qui restera à la porte de notre monde, faute d’être véritablement captivé par les traits grossiers de sa caricature.
Pour le reste des passionnés dont nous sommes, ils (re)passeront leur tour. Pas vraiment nourris par cette mousse de banalités promise au téléspectateur, nous demeurons convaincus que le rugby, sport de combat mais aussi de stratégie et d’intelligence, a d’autres atouts à faire valoir que ses « gros bras ». Serions-nous trop ambitieux, rêveurs en diable, pour attendre d’une innovation qu’elle nous rapproche vraiment des acteurs et qu’elle nous rende surtout plus intelligent? Ici, notre religion est faite. La première chose qui sera toujours attendu d’un joueur sur le terrain, c’est d’être bon. Nul besoin de trop en dire, juste de trouver les bons mots.
Vous êtes hors-jeu !
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