L'édito : Adishatz, président

Par Emmanuel Massicard
  • Bernard Lapasset lors de la cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde 2015.
    Bernard Lapasset lors de la cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde 2015. PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
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Il avait débarqué en pleine lumière comme par effraction, au cœur d’une mêlée brûlante qui devait accoucher du successeur d’Albert Ferrasse. C’était en 1991, quand - ironie du sort- la Fédération française de rugby tanguait déjà entre deux époques, deux visions d’avenir et plusieurs camps divisés sur le fond des choses, autant que sur la forme. Plus encore sur le fil conducteur des idées, la couleur de la culotte politique ou l’incarnation du pouvoir suprême.

Au cœur de ce monde de forts en gueule aux idées tranchées, c’est pourtant lui, Bernard Lapasset, qui s’était imposé face aux défiances. En profitant des clivages, de la désunion qui régnait et de l’impasse qui se profilait. C’est à lui que revint la charge de rassembler la maisonnée, de porter un héritage et de s’affranchir de méthodes qui ne lui ressemblaient guère.

Je l’avais rencontré pour la première fois au sortir de cette fameuse campagne de 1991, quand certains doutaient encore de sa légitimité, de son "épaisseur" et de ses forces pour exister au cœur de la mêlée. C’est qu’il ne parlait pas aussi fort qu’Albert, et ne cultivait pas la même attirance pour la confrontation directe. Lapasset n’avait tout simplement pas le même goût pour la défiance. Sa force était ailleurs : dans l’incarnation, la conviction, l’engagement des idées et la construction des projets.

La suite de sa carrière de dirigeant plaida largement pour lui, vous le lirez dans ce journal. Ses victoires sont toutes signées du même sceau : un sens extrême de la diplomatie qui a souvent fait basculer les dossiers en sa faveur et nourrit le désespoir de ses adversaires, qui peinaient à en faire le tour…

Au vrai, ce fils de douanier (major lui-même au concours d’inspecteur) et gamin des Pyrénées n’était pas un leader de vestiaire, habité par le plaisir d’avoir à ferrailler et légitimé par la force de l’exemple. Il était au plus juste fait pour diriger et, même davantage, pour présider. Tête haute pour voir plus loin, quitte à ne pas toujours emprunter la route la plus évidente avant de toucher au but. Certains de ses détracteurs se sont parfois perdus dans ses méandres.

Lui traça sa route, avec un éternel sourire au coin des lèvres. Avec cette capacité à se jouer de tout, même des attaques ; avec ce sens du défi pour conquérir le monde, en posant son empreinte au plus haut du rugby mondial ; avec assez de coffre et de convictions, pour rendre audible la voix de la France dans un sport dominé par les Anglo-Saxons ; avec une passion immense pour le rugby, qui était sa vie.

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