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Pro D2 - L’émotion et ses raisons : la touchante fin d'histoire entre Thomas Dubois et Colomiers

Par Quentin PUT
  • Thomas Dubois va quitter Colomiers à la fin de la saison.
    Thomas Dubois va quitter Colomiers à la fin de la saison. - Stéphanie Biscaye
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Thomas Dubois a appris qu’il ne serait pas conservé par Colomiers, son club de cœur. Mettre un terme à une si longue et si belle histoire d’amour n’a pas été facile pour le pilier gauche, qui est l’un des dix joueurs les plus capés en Pro D2 encore en activité. Mais c’est l’occasion de la parcourir pour mieux cerner son parcours exceptionnel.

"Tu as beau te préparer, te dire que tu vas avoir 35 ans, que tu n’as pas joué pendant quatre mois et demi… Qu’est-ce qui arrive à un mec comme ça ? T’es naïf, dans ces moments-là…" Thomas Dubois a vécu "un choc" au début du mois. Celui d’apprendre qu’il ne serait pas conservé par son club formateur, son club de cœur, Colomiers. "Ces moments de flottement, quand on sait ou non si on sera conservé, ne sont jamais agréables", disait Thomas Girard il y a peu.

Et il ne croit pas si bien dire : "Je suis touché, terriblement triste… J’ai été K.-O. debout pendant plusieurs jours, témoigne son compère. Là, je reprends du plaisir grâce au terrain, en me disant que ce sont mes dernières cartouches et que j’ai envie de kiffer. Je suis donc un peu détaché mais il y a quelques semaines, j’aurais coupé court à la conversation." Il faut dire que Thomas Dubois avait de bonnes motivations pour jouer les prolongations. "Je le connais assez pour savoir qu’il est émotif, exprime Cédric Coll, qui est resté un grand compagnon de route du pilier gauche, notamment au travers de voyages aux quatre coins du globe. Si on fait les comptes, il a passé quasiment la moitié de sa vie dans cette institution ! Effectivement, il a un grand attachement au club. C’est quelqu’un qui a cette sensibilité."

"Je me dis que j’ai passé douze saisons à Colomiers, un club qui m’a fait confiance pendant douze ans, et que j’ai vécu une belle aventure", relativise-t-il aujourd’hui. Et à cette grande histoire d’amour entre la Colombe et son joueur, il faut ajouter une question plus terre à terre. "Franchement, ça me fait vraiment mal au cœur car je pensais pouvoir en faire une de plus pour atteindre les 250 matchs. Je n’aurai pas l’occasion de le faire et ça me laissera un goût amer très longtemps. C’était une façon de rendre ce que le club m’a donné, parce que j’en suis très reconnaissant. Je veux marquer le club, qu’on se souvienne de moi, et de ma fidélité envers le club, comme le club l’a eue envers moi."

"Qu’est-ce que tu vas faire gardien de but ? Viens au rugby !"

Pour prendre le recul nécessaire et se rendre compte de l’impact du bonhomme, c’est son meilleur ami Benjamin Lassalle qui est le mieux placé : "Il faut voir aussi le verre à moitié plein. Il a eu une très belle carrière alors que ça n’était pas son rêve à la base. Notre génération 1988-1989, nous avions gagné le SuperChallenge, le championnat de France Crabos… Plus d’un d’entre nous auraient signé à sa place. Des élus, il n’y en a pas eu beaucoup. Et lui en est un. C’est quand même magnifique." Bien qu’adolescent dans la région toulousaine, et doté d’un gabarit hors norme, son itinéraire ne le prédestinait pourtant pas à cette carrière-là.

"Quand j’arrive au lycée Victor-Hugo, je tombe sur ce grand dadais d’1,90 m et 100 kg en Seconde. Et très vite, ça a matché au niveau de l’humour, des valeurs, on s’est très vite reconnus l’un dans l’autre, rembobine Benjamin Lassalle. C’était une grande histoire d’amitié. On passait la journée ensemble au lycée, et on s’appelait le soir en rentrant pour échanger des conneries (sic). Rapidement, j’ai vu en EPS qu’il avait des capacités physiques hors du commun. Lui était fan de foot. "Qu’est-ce que tu vas faire gardien de but ? Viens au rugby !"" "Encore aujourd’hui, dès qu’on lance un foot, il ramène ses gants de gardien de but", se marre Jean Thomas. "Et je l’ai amené un mercredi à la maison, reprend Benjamin Lassalle. Mon père, qui entraînait à Colomiers, lui a dit : "Tu ne réfléchis pas, tu prends le ballon, tu vas tout droit et tu exploses un maximum de joueurs." C’est exactement ce qu’il s’est passé." Mais son passé de footballeur est encore bien présent : "Quand on jouait au foot, c’était un fou !, lance Benjamin Lassalle. En cadets première année, je me souviens d’un derby contre le Stade toulousain. Il avait le bandeau, les chaussettes en bas, des crampons kipsta dégueulasses… Aucun style ! Et c’est lui qui tapait les transformations. C’était affreux ! En face, Iribaren avait beaucoup plus de style. Mais attention, il a un sacré coup de savatte." Et ça ne s’est pas perdu avec le temps. Encore à Brive, lors de l’échauffement, il s’adonnait à un concours de pénalités aux quatre coins du terrain avec Jorick Dastugue. Mais fort logiquement, ce n’est pas cet atout qui l’a révélé au grand jour.

Les sélections jeunes puis le retour bénéfique à Colomiers

"À 16 ans, il faisait des séries de 80/90 kg en développé couché", s’étonne Benjamin Lassalle, qui prédisait à son complice une place en sélections françaises moins de 18 et moins de 20 ans : "Et ça n’a pas loupé !" Après avoir remporté le Tournoi des 6 Nations U20 en 2009, Thomas Dubois lui ramènera même un maillot "bien trop grand" porté lors de la Coupe du monde U20 de la même année au Japon. "Sur les préparations d’avant-saison, tu le vois sprinter avec les trois-quarts et les concurrencer, pointe le deuxième ligne Jean Thomas. Il a un profil atypique pour un pilier, qui d’ailleurs ne lui a pas toujours servi. À un moment, on le pensait moins joueur de mêlée, alors qu’il n’avait pas de lacune là-dessus, au contraire."

Yann Kergourlay s’occupe du recrutement columérin depuis l’été 2012. C’est d’ailleurs à cette période qu’il décide de faire revenir Thomas Dubois au bercail, après trois saisons mitigées chez les espoirs de Perpignan. "Il était parti après le titre de champion de France Crabos avec Colomiers. On cherchait un pilier gauche jeune. Et comme il était d’ici, avait une parfaite connaissance du club, et n’avait pas les plus grandes chances de monter avec l’Usap, on l’a récupéré. Il signe son premier contrat professionnel ici, tout le monde est content."

Et le phénomène va alors prendre de l’ampleur. "C’est un véritable athlète, un genre de décathlonien qui sait tout faire. C’est très surprenant, poursuit le membre du staff. Il incarne les piliers nouvelle génération, avec beaucoup de mobilité, une grande vitesse et une bonne assise en mêlée. C’est ce qui est surprenant. Ayant un excellent dos, il a très vite et très tôt été dominant sur les phases de mêlée sur ses premières années de Pro D2."

De quoi rappeler de jolis souvenirs : "Ça doit être 2014, on joue La Rochelle. Il reste très jeune et met une énorme pression à Uini Atonio en mêlée. Sur un match, il le met vraiment à mal, le conteste à cinq mètres de la ligne… Ça avait été ses premières grosses prestations en mêlées." Cette ascension fulgurante ne va pas sans quelques contacts avec l’étage supérieur. Mais : "le seul regret que j’ai pour lui, c’est que ça n’ait jamais abouti et que les clubs de Top 14 n’aient jamais su voir ses qualités pures, déplore Yann Kergourlay. Car il ne rentrait pas dans les formats standards du gaucher à l’époque. Pourtant il avait fait des saisons complètement folles !" Et ce niveau de performance va durer en raison d’une hygiène de vie remarquable.

Une régularité rare

"Il y a Coletta, Fernandes avec Béziers… Mais je ne sais pas si beaucoup d’autres sont arrivés à plus de deux cents matchs. Personnellement, je suis surtout heureux de l’avoir fait avec un seul club", se réjouit le natif de Perpignan, qui s’est peut-être appuyé sur son physique pour décoller, mais a dû concéder beaucoup de sacrifices pour rester au plus haut. "J’ai cette chance d’avoir une bonne hygiène de vie, explique-t-il sobrement. J’ai toujours fait attention à ce que je mangeais, buvais, à mes heures de coucher, de lever… C’est une façon de mettre toutes les chances de ton côté." "Pas de fête si ça n’était pas dans les phases de récupération ou de vacances. Et ça n’est pas le genre à finir à 6 heures en boîte, atteste Benjamin Lassalle. Il a toujours été fidèle à lui-même par rapport à ça. Même dans le soin il était sérieux et ça lui a servi. Au final, il a préservé son outil de travail." Et tant pis pour cette satanée fracture du péroné pas décelée tout de suite, qui l’a éloigné des terrains tout l’hiver, et de son objectif. Avant la saison en cours, il tournait à près de vingt et un matchs par saison depuis ses débuts en 2012…

"La vie de groupe est très importante pour nous"

Et cette régularité sur le terrain va de pair avec un engagement croissant dans la vie de groupe de Colomiers rugby puisqu’il s’implique dans l’association des joueurs, active dans les divers événements du groupe columérin, des tournois de pétanque aux voyages de fin d’année. "Il a toujours été là, et pas toujours pour faire le bon boulot avec Jean Thomas, concède Cédric Coll, alors président de l’association, et qui a laissé le flambeau à ses deux acolytes. C’est pour ça que je le considère vraiment comme un vrai pilier, dans tous les sens du terme. C’est quelqu’un de rassurant, présent, disponible et très investi. Quelqu’un sur qui on peut compter." "Je pense qu’on fonctionne un peu pareil avec Thomas, estime l’actuel président de l’amicale. On accorde beaucoup d’importance à la vie de groupe. On s’est responsabilisé, car c’était important pour nous. On prend du plaisir à le faire. Quand les mecs sont heureux des vidéos qu’on leur prépare, ou des voyages organisés, c’est une belle récompense. C’est aussi pour ça qu’on le fait."

Dans sa prochaine vie, Thomas Dubois laissera ainsi à Colomiers le souvenir d’un "coéquipier exemplaire", attaché mais aussi attachant. En attendant, il "profite autant qu’il peut" de ses dernières cartouches : "Je prends encore plus conscience de la chance de pouvoir faire ça encore quelque temps, quelques semaines. C’est quand même un truc exceptionnel…"

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Les commentaires (2)
envoituresimone Il y a 10 jours Le 09/05/2024 à 04:20

C'est difficile à gérer ces fins de carrière, aussi bien pour le club que pour les joueurs. Alors autant prévoir un scénario qui ne laisse aucune amertume des cotés.

JiHache Il y a 11 jours Le 08/05/2024 à 12:07

Juste quelqu'un de bien. Chapeau bas, Monsieur.