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Top 14 - "L’idée n’était pas de tout détruire, mais d’ajouter des armes à notre jeu" : Vincent Etcheto se confie sur son nouveau rôle à Montpellier

  • Top 14 - Vincent Etcheto aimerait que Montpellier marque davantage d'essais, malgré le récent regain de forme du MHR.
    Top 14 - Vincent Etcheto aimerait que Montpellier marque davantage d'essais, malgré le récent regain de forme du MHR. Icon Sport - Romain Biard
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A quelques jours d’affronter l’UBB, son ancienne équipe et la ville où il a passé quinze années de son existence, l’entraîneur de l’attaque de Montpellier Vincent Etcheto a accepté de prendre la parole. Il nous raconte la révolution en marche dans le jeu du MHR, le renouveau de Louis Carbonel, celui de Ben Lam, la montée en puissance d’Auguste Cadot…

Le jeu du MHR a bien évolué depuis trois mois et l’arrivée du nouveau staff, comment jugez-vous cette évolution ?

Il y a eu pas mal d’évolution en effet. La première a été la reprise en main du groupe. Il y a eu une prise de conscience sur la qualité de l’effectif, il fallait une prise de conscience collective. On a essayé de redonner une conquête forte à cette équipe, une chose qui était sa marque de fabrique. Pour cela, on a fait une revue d’effectif. Ensuite, on a essayé d’ajouter des principes simples de contre-attaque, de turnover et d’alternance dans le jeu qu’ils n’avaient pas ou qu’ils avaient oublié. Pour moi, cela manquait un peu d’alternance. Attention, je ne conteste pas le projet de jeu, car il a souvent marché. Un projet de jeu basé sur la dépossession, où l’on cherche à rentrer dans les 22 mètres par beaucoup de jeu au pied accompagné de "chasses" pour mettre les équipes sous pression. C’était une volonté, mais cela ne fonctionnait plus au niveau des résultats. C’était donc l’occasion d’essayer autre chose, et de tester un nouveau mode opératoire en essayant de tenir davantage le ballon. Certains joueurs étaient aussi convaincus par l’ancien système, donc il a fallu un peu de pédagogie également. L’idée n’était pas de tout détruire, mais d’ajouter des armes à notre jeu et de prendre du plaisir sur le terrain pour atteindre notre priorité : regagner des matchs.

Que voulez-vous dire par un manque d’alternance ? Montpellier utilisait trop le jeu au pied ?

Je ne sais pas si c’était trop. La dépossession est un système à la mode qui a fait ses preuves, puisque l’équipe a été championne de France grâce à ce système. C’est une façon de jouer au rugby. Mais au bout d’un moment, les joueurs ont réalisé qu’ils ne gagnaient plus en jouant comme ça. Donc notre arrivée était l’occasion de faire évoluer les choses. Quand Bernard (Laporte) et Patrice (Collazo) m’ont confié ce rôle de responsable de l’attaque, j’ai eu envie de mettre en place des principes et des convictions que j’ai depuis quelques années.

J’ai l’impression que les joueurs s’épanouissent de plus en plus

Donc de tenir davantage le ballon. Mais quels avantages y voyez-vous ?

A l’entraînement, les joueurs ne te disent jamais que c’est super, que c’est fantastique. Mais on sent qu’ils prennent du plaisir dans les entraînements à tenter des choses. Le fait de tenir le ballon permet de jouer des duels, de se faire des passes, de jouer devant ou dans la défense, mettre de l’alternance… D’ailleurs on doit encore en mettre davantage et rejouer un peu au pied car j’ai été extrémiste en disant qu’on ne tapait plus jamais au pied ! Là encore, il faut trouver un équilibre. Même les équipes très joueuses utilisent le pied : long, court, pression, etc. Là encore il faut varier. Mais toutes les équipes que j’ai entraînées aiment tenir la ballon, le porter, jouer… et même ici à Montpellier où l’on aime particulièrement défendre parce qu’on a un groupe très généreux. J’ai l’impression que les joueurs s’épanouissent de plus en plus et cernent de mieux en mieux ce vers quoi on veut les amener.

Montpellier assomme Oyonnax et poursuit sa remontée au classement \u2197\ufe0f

Le résumé > https://t.co/lSzEIiOvA4 pic.twitter.com/RmQoXCYsFG

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) March 2, 2024

Ces évolutions se traduisent-elles par des chiffres ?

On marque des essais, mais pas assez d’après moi. Parce qu’on se crée des occasions, on franchit… les chiffres de possession ont augmenté également. Depuis trois mois, on est facilement au-dessus des 50 % de possession. Les temps de jeu effectif augmentent aussi, on a eu des rencontres à 40 minutes de temps de jeu effectif, ce qui est conséquent. Mais cela ne veut pas tout dire : on a gagné au Racing sans la possession, en étant très efficaces. Idem à Oyonnax, où nous ne sommes rentrés que cinq fois dans leurs 22 mètres pour cinq essais marqués. Le positif, c’est vrai, c’est qu’on marque des essais. Cinq au Racing, trois contre Bayonne, cinq à Oyonnax… Ce qui me plaît, en revanche, c’est que le premier essai contre le Racing a été marqué après 23 séquences de jeu. C’est un bon signe. Cela veut dire qu’on est patients, en place, que nos systèmes sont huilés. Après, on est aussi capables de marquer avec de la réussite, à l’image de Gabriel Ngandebe sur ce même match du Racing.

Louis Carbonel touche plus le ballon et il sent que ce système lui donne des responsabilités

On a le sentiment que votre ouvreur Louis Carbonel s’épanouit de plus en plus...

Louis est un très bon joueur de rugby, déjà. Il a des qualités athlétiques, il va vite, il ne se sort pas en défense, il aime attaquer la ligne, il a une qualité de passe et de jeu au pied… C’est un joueur complet, et on a pas attendu d’arriver à Montpellier pour savoir qu’il est bon. Dans le système offensif que l’on veut mettre en place - et je pense que c’est une forme de déformation professionnelle parce que c’est mon ancien poste - le jeu passe beaucoup par l’ouvreur. Certains clubs ne font pas ça, et préfèrent placer leurs cellules d’avant après le demi de mêlée. Mais nous, sur certains lancements, on hésite pas à aller chercher le couloir opposé dès le premier temps de jeu. Du coup, Louis touche plus le ballon et il sent que ce système lui donne des responsabilités. Il y a quelques années, on voyait beaucoup Cobus Reinach. Là, on continue à le voir puisqu’il a été déterminant contre le Racing, mais le jeu est plus équilibré entre 9-10. Louis est à la charnière de ce jeu là, il touche beaucoup de ballons et je peux vous dire qu’autant au pied qu’à la main, il y a peu de déchet.

Avec cette concurrence relancée, on a le sentiment qu’il y a un embouteillage de talents au centre de l’attaque...

Ce sont des problèmes de riches, oui ! Lundi et mardi, j’ai passé mon temps à discuter avec les joueurs car certains enchaînent les matchs et d’autres moins. Quand tu perds sans jouer, tu râles en disant que tu ferais mieux. Mais c’est aussi dur quand l’équipe gagne sans toi. Tu vois un vestiaire heureux, mais toi tu n’es pas dans le truc. En tout cas, les joueurs savent qu’ils ont tous eu du temps de jeu. En trois mois, on a testé tout le monde. Mais c’est qu’au centre, on a l’embarras du choix entre Arthur Vincent, Thomas Darmon, la révélation Auguste Cadot qui arrive de Pro D2, Jan Serfontein et Geoffrey Doumayrou les anciens qui ont enchaîné avec moi parce que je m’appuie beaucoup sur eux, il y a du monde au centre. Arthur Vincent, par exemple, est de temps en temps remplaçant. Il comprend qu’il n’est pas encore à 100 %, même s’il est en train de revenir très fort. Et encore ; je ne parle pas du triangle arrière, qu’on a quasiment changé toutes les semaines… Moi je ne vais pas me plaindre, j’ai toujours entraîné des équipes un peu courtes en effectif. Il faut juste leur faire comprendre que personne n’est exclu, et que l’on cherche cette fameuse émulation. On travaille pour ça, et cela se ressent aux entraînements. Ils jouent bien entre eux, mais je pense que l’on a encore une énorme marge de progression.

Top 14 - Auguste Cadot est l'une des révélations montpelliéraines cette saison.
Top 14 - Auguste Cadot est l'une des révélations montpelliéraines cette saison. Icon Sport - Herve Bellenger

Vous parliez d’Auguste Cadot, c’est l’une des révélations du recrutement derrière...

Auguste, c’est d’abord un super mec. Un jeune bosseur, modeste, qui a envie de progresser. Je le connaissais car je l’avais étudié avec Angoulême quand il jouait à Biarritz. Je connaissais sa qualité. Il a du potentiel, il sort d’une très bonne saison en Pro D2. Ce qui est bien, c’est qu’il a toujours été bon avec Montpellier quand on lui a donné sa chance. Il ne s’est pas contenté d’être neutre : à Trévise, en Coupe d’Europe, ou encore au Racing où tout le monde l’a découvert, il a montré ses qualités. Il a encore confirmé à Oyonnax que défensivement, il est costaud. Il a d’excellents appuis aussi car il a un train moteur très puissant. Il est capable de monopoliser des adversaires. Il a bien sûr encore des progrès à faire dans sa lecture du jeu, sa qualité technique mais c’est un centre en plein développement. Il joue plutôt premier centre mais on le fait jouer en 13 aussi. Il s’épanouit dans un jeu où les trois-quarts touchent un peu plus de ballons, jouent un peu plus de duels. J’espère qu’on va le voir de plus en plus.

Vous vous apprêtez à recevoir Bordeaux-Bègles, est-ce un match particulier pour vous ?

C’est un match particulier parce qu’on doit vraiment confirmer ce qu’on a fait ces dernières semaines. Ce serait vraiment un coup d’arrêt de ne pas être dans cette continuité. On a pas fait le plus dur, mais on a franchi une belle marche en se sortant de cette dernière place. C’est dur de rester dernier malgré des bons résultats. C’est très frustrant. Là, on a sorti un peu la tête de l’eau en faisant cet exploit au Racing même s’il n’est pas au top de sa forme ou en gagnant à Oyonnax où ce n’est jamais facile de gagner. Il faut donc valider ce qu’on a fait. Donc je ne dis pas que Bordeaux arrive au bon moment parce qu’on peut prendre un coup sur la tête, mais ils seront amputés de plusieurs joueurs et ce peut être une opportunité.

Ben Lam, c'était du gaspillage

Et à titre personnel, car c’est votre ancien club ?

Oh vous savez… je connais encore le kiné, l’analyste vidéo et il reste encore deux joueurs sur le terrain : Yann Lesgourgues et mon "petit bigoudi", Clément Maynadier car Jeff Poirot est blessé. L’effectif a donc beaucoup évolué, mais il est sûr que ce club garde une place particulière pour moi. J’y ai joué pendant six ans, même si ce n’était pas à Chaban et que cela ne s’appelait pas pareil. J’y ai passé trois comme étudiant et j’ai entraîné six ans là-bas. Au total, j’ai passé quinze ans de ma vie à Bordeaux donc il y a un vrai côté affectif. Après, j’ai renoué des liens très corrects avec Laurent Marti, j’ai travaillé avec Yannick Bru avec qui j’ai de bons rapports… C’est un club que j’aime, et je regrette presque de ne pas avoir connu Chaban-Delmas car c’est un endroit que j’adore.

Top 14 - Vincent Etcheto était aux commandes des lignes arrières de l'UBB entre 2009 et 2015.
Top 14 - Vincent Etcheto était aux commandes des lignes arrières de l'UBB entre 2009 et 2015. Manuel Blondeau / Icon Sport

Ben Lam a bien profité du changement de staff, quel regard portez-vous sur lui ?

Ben Lam, c’était du gaspillage. Je peux comprendre qu’un staff puisse être réticent à le faire jouer, parce c’est quelqu’un qui est d’une discrétion presque maladive. Il ne parle pas beaucoup, à tel point qu’on a même des joueurs qui ont découvert cette année qu’il parlait français tellement il s’exprime peu ! C’est dire… Il m’avait déjà impressionné quand il jouait à Bordeaux. Je savais qu’il avait parfois des absences, ou qu’il pouvait passer à côté de certains rendez-vous. Mais il fait partie de ces joueurs qui te donnent envie d’aller chercher leur potentiel, parce qu’il en a. Il nous l’a montré. Encore trop par séquence, car j’aimerais qu’il soit encore plus régulier, plus ambitieux, mais ce n’est pas toujours bon d’aller chercher trop vite des joueurs. On y arrive, petit à petit. On a un rapport de confiance avec lui, c’est un mec facile à entraîner, parfois trop parce qu’on aimerait qu’il se mette en colère de temps en temps ! Mais Ben, c’est un gros chat : il a des appuis phénoménaux, une capacité à avancer sur chaque contact… J’hésite même à le faire jouer centre mais on a déjà assez de monde au poste, mais il a une qualité de passe… Un joueur comme ça, si tu le mets dans un projet de jeu où on ne lui demande que de monter fort et de faire des chasses, il va finir par s’ennuyer. Il faut que ces joueurs participent au jeu, qu’ils se proposent derrière le neuf ou le dix, qu’ils n’hésitent pas à dézoner… Et Ben a envie de ça.

Vous songiez donc le faire jouer au centre ?

Oui, parce qu’il est un peu dans le même genre que Metuisela Talebula, que j’ai entraîné à Bordeaux. « Met » avait un rayonnement encore plus grand parce qu’il bougeait beaucoup, mais ces gars là sont des troncs d’arbres. Ils peuvent plaquer très forts, sont capables de jouer dans la défense ou devant la défense. Je trouve même que Ben joue encore trop devant la défense, et qu’il ne saisit pas toutes les opportunités que son fantastique gabarit lui offre. En tant qu’entraîneur, tu veux que ces mecs là touchent le ballon. Ce n’est pas moi qui ai découvert Ben Lam bien sûr, mais il fallait le remettre en confiance, et l’encourager à aller chercher du travail partout sur le terrain, qu’il dézone à chaque entraînement pour exploiter ce potentiel qu’il a en lui.

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Les commentaires (5)
Aberwrach Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 12:28

Impressionnant, cet homme on sent le passionné qui respecte (en tout cas c'est ce qu'il dit mais les actes sont là) qui respecte ses joueurs : ?...j'ai toujours entraîné des équipes un peu courtes en effectif. Il faut juste leur faire comprendre que personne n'est exclu... ? . Ce ne sont pas tous les entraineurs qui peuvent en dire autant car certains ce prennent pour des seigneurs ou des dieux peut-être et ils n'ont aucun scrupule à pourrir la saison d'un joueur.
Reprendre un club en cours de saison, avoir l'humilité de faire avec le groupe dont il dispose c'est du respect envers les joueurs, c'est être humain. Alors pourquoi aller dépenser de l'argent alors que tu as tout sous la main.
Aller Montpellier, c'est un exemple d'abnégation et de travail réfléchi.

Vilain34 Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 10:52

Il faudrait un recrutement basé sur des Jiffs, plus deux ou trois pointures étrangères.
Déjà il y aura nécessité d'aligner une vingtaine de Jiffs à Toulon et à Clermont pour ne pas hypothéquer la saison prochaine avec un handicap de 6 points.

jacquot12 Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 10:34

Bien dit. On sent chez vous cette envie de faire bien jouer comme vous le faisiez dans les clubs où vous êtes passés. Vous parlez des jeunes et c'est extra; inutile à mon avis d'aller chercher des stars étrangères mais très chères pour le spectacle, mais faire jouer des jeunes et les découvrir ou re-découvrir.
Vous n'avez pas évoqué De Nardy, il y en a d'autres au MHR qui ne vont pas tarder à surprendre si...on ne les fait pas partir.