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JO Paris 2024 - "Dans le sport, on attache encore trop la place de la femme à son physique" : Joanna Grisez se confie avant les Jeux olympiques

  • JO Paris 2024 - Joanna Grisez sera l'une des têtes d'affiche de l'équipe de France à 7 lors des prochains Jeux olympiques.
    JO Paris 2024 - Joanna Grisez sera l'une des têtes d'affiche de l'équipe de France à 7 lors des prochains Jeux olympiques. Icon Sport - Scoop Dyga
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À la veille de disputer une étape du World Series dans la chaleur moite de Hong-Kong, Joanna Grisez a accepté de nous livrer une longue interview sur sa vie de septiste. Une vie tumultueuse, jonchée de défis, de souffrances et de moments exceptionnels dont l’ailière profite à fond. Elle évoque aussi le défi majuscule qui l’attend en cette année olympique, les clichés relatifs au sport féminin et nous parle aussi de son superpouvoir, le raffut au visage…

Question un brin provoc’ pour commencer : vous n’en avez pas marre, les septistes, qu’on ne vous pose que des questions sur Antoine Dupont ?
(rires) C’est une question piège ça ! Oui et non car on sait que c’est le jeu des médias que d’aller chercher le truc qui fait parler d’une discipline, donc il faut le prendre positivement. Aujourd’hui, Antoine Dupont est le meilleur joueur du monde. C’est juste dommage que les gens ne découvrent le VII que maintenant parce qu’Antoine y a mis les pieds, mais j’ai envie de le prendre de façon positive : les gens le connaissent et s’il peut aider à populariser la discipline, c’est tant mieux !

Et sinon, il est sympa en vrai ?
Il est fidèle à lui-même : il est gentil, très humble, assez discret, poli, jamais un mot plus haut que l’autre. C’est un mec simple, dont la personnalité tranche avec sa popularité. Il ne cherche jamais à en faire des caisses, et ne parle jamais de façon inutile. Si un son sort de sa bouche, c’est qu’il a quelque chose de pertinent à dire.

Avez-vous mesuré l’exposition qu’il a apportée au VII à Vancouver et Los Angeles ?
On l’a surtout vu au nombre de journalistes présents sur ces deux tournois oui, et au fait que France TV diffuse ces étapes, ou le nombre de sollicitations et les posts sur les réseaux sociaux. Pour le reste, dans les faits, rien n’a changé…

Cela vous donne un avant-goût de l’exposition médiatique à laquelle vous serez confrontée durant les Jeux Olympiques…
On en parle oui, on sait que ce sera différent de ce que l’on connaît aujourd’hui. Après, on a quand même l’habitude avec les World Series où nous sommes régulièrement sollicitées. On a du monde à nos entraînements, on a des conférences de presse d’après-match… Bien sûr ce sera décuplé mais on commence à connaître tout cela.

Est-ce que le staff essaye de vous y préparer ?
Oui, il en parle pour qu’on ne soit pas surprises. L’idée, c’est que cela ne nous pollue pas.

Comment ne pas être polluée par cette pression inhérente au fait de participer aux Jeux ?
C’est propre à chacun. Dans un premier temps, de soi-même, on peut se mettre la pression sur des tournois. Essayer de se projeter en s’imaginant dans d’autres conditions, à Paris par exemple. Et ensuite, il faut se rappeler que cela ne reste que du sport. On ne joue pas nos vies ni celles de personne. À la base, le rugby ce n’est que du plaisir. Je sais, c’est facile de dire ça à quatre mois des Jeux ! En tout cas on ne sauvera la vie de personne. Il n’y aura rien de nouveau et on se prépare tous les jours pour cela.

Tokyo, ça a été un vrai traumatisme pour moi. Il a fallu accepter tout ça donc ces Jeux sont une véritable revanche pour moi

Vous y pensez donc tous les jours ?
Non… vraiment pas. Déjà parce que c’est encore loin : d’ici là on a des tournois, des échéances… La vie tourne, il y aura plein de choses avant les Jeux. Il faudra aussi éviter de se péter, et être performante. On y pense par petites touches : dans nos discussions, en voyant des spots publicitaires… Je ne me lève pas encore tous les matins en pensant aux Jeux. J’ai appris à ne pas regarder trop loin, j’y vais semaine après semaine.

À partir de quel moment basculerez-vous ?
Bonne question… Sûrement après les finales des World Series à Madrid (31 mai - 2 juin prochains, NDLR). De mémoire, on aura une petite semaine de coupure et après on entrera dans le cycle de préparation spécifique aux Jeux. Là, on entrera dans le vif du sujet et à ce moment-là je vous dirai que je me lève tous les matins en pensant aux Jeux !

Quel bilan dressez-vous de cette saison du 7 féminin français ?
Il est plutôt bon. On est en train de passer les dernières marches. Avant, on atteignait les finales mais cela ressemblait à des « one-shot ». Maintenant on est plus régulières et on montre que ce n’est pas dû au hasard. Après, on connaît encore des petites contre-performances à l’image de nos défaites en quart de finale contre les États-Unis à Perth et contre le Canada à Los Angeles… On continue d’apprendre, sur des petites choses qui nous manquent encore, notamment sur le plan mental. Pour la fin de saison, on a envie de valider les dernières étapes et d’aller chercher la dernière marche.

Perth était un coup d’arrêt ?
Pas un coup d’arrêt, mais cette contre-performance nous a questionnées. Idem pour Los Angeles. Ce sont des quarts de finale que nous n’avons pas joués. Nous sommes passées à côté, on n’a pas mis notre jeu en place. Ces erreurs qui vont nous aider à nous construire. Et puis il vaut mieux les faire maintenant qu’à Madrid ou à Paris…

Les Australiennes et les Néo-Zélandaises paraissent être un cran au-dessus, qu’ont-elles en plus ?
Elles sont plus régulières. Elles ont plus de confiance parce qu’elles savent qu’elles peuvent gagner à chaque fois. On n’apprend pas à gagner, par contre le fait de vivre des victoires fait qu’au fond de toi, tu sais que tu peux le faire. Avant, on avait conscience qu’on pouvait gagner même si on se disait que cela pouvait être chaud. Maintenant on sait qu’on peut le faire plus régulièrement. Quand tu as ce vécu, tu n’appréhendes pas les finales de la même façon. Elles ont encore plus l’habitude de ces rendez-vous que nous. Elles n’ont pas le même style de jeu que nous, et leurs équipes ont peut-être aussi un peu plus d’expérience collective car ils tournent peu, c’est un style de management différent du nôtre.

Joanna Grisez espère effacer la déception des JO de Tokyo.
Joanna Grisez espère effacer la déception des JO de Tokyo. SNO Agency


Comment pourriez-vous nous expliquer les différences dans les styles de jeu à VII ?
Les Anglo-Saxonnes possèdent des schémas de jeu qu’elles vont souvent répéter : des mouvements comme des redoublées au milieu du terrain qu’elles ne vont pas forcément déclencher en lecture, mais parce que c’est prévu ainsi. Souvent, c’est tellement bien exécuté que même si ce n’est pas fait en lecture, ça fonctionne. Les Australiennes ont la particularité de jouer très loin de l’adversaire. Elles prennent beaucoup de profondeur et c’est difficile d’aller les chercher en défense. Les Néo-Zélandaises ont un jeu intermédiaire entre les Australiennes et nous : elles répètent beaucoup les combinaisons, mais jouent plus près de la défense, plus en lecture pour enclencher des duels ou jouer dans le dos. Nous, on a moins tendance à répéter des combinaisons : on joue davantage en lecture, on s’adapte, on joue à hauteur, proche de la ligne d’avantage.

On a l’impression que le rugby à VII ressemble à Formule 1 du rugby : tout est plus rapide, la moindre erreur se paie cash…
C’est vrai. C’est tout à fait ça. Mais attention : à XV, il faut davantage soigner les détails et la stratégie. Plus qu’à VII. Le VII n’est pas exclusivement physique, on ne peut pas jouer sans réfléchir. Mais comme il y a moins d’espaces à XV, il faut être beaucoup plus précis dans ses courses. À VII on a plus d’espaces et on peut se permettre de compenser un petit retard de timing par de la vitesse et de la conviction dans la prise de balle. C’est même comme cela que des mauvais choix peuvent se transformer en bons choix. Le XV est plus piégeux. Si un espace se referme, c’est fini. Tu risques d’aller au carton.

Vous aviez été sélectionnée pour les précédents Jeux Olympiques de Tokyo, mais vous n’y aviez pas participé, racontez-nous…
J’étais dans le groupe initial de treize joueuses oui, et nous sommes parties à quinze avec deux réservistes. Seulement, je traînais une lésion musculaire depuis longtemps et je sentais que ça n’allait pas. Je ne pouvais même pas faire un entraînement complet. Le staff pensait néanmoins que je pouvais me remettre à temps, et m’a laissé le choix. Après réflexion, j’ai décidé de ne pas accompagner le groupe parce que je ne me sentais pas en capacité de faire un tournoi. Je suis donc allée à Tokyo, mais je n’ai pas fait les Jeux.

Que représentent donc ces Jeux Olympiques de Paris à vos yeux ?
Tokyo, ça a été un vrai traumatisme pour moi. Il a fallu accepter tout ça donc ces Jeux sont une véritable revanche pour moi. Je les vois comme ma dernière marche à moi, celle que j’ai loupée il y a quatre ans. Un peu comme une revanche sur la vie. C’est mon acte manqué. Si j’ai la chance d’y participer, ce seront aussi mes premiers et derniers Jeux, car je ne suis pas sûr de continuer quatre ans de plus pour participer aux prochains (qui se tiendront en 2028 à Los Angeles, NDLR)… Ce sera donc le premier et le dernier énorme objectif de ma carrière à VII. C’est un peu particulier comme situation…

Votre coéquipière Caroline Drouin s’est blessée au genou il y a quelques semaines. Sa participation n’est pas remise en doute mais voir une partenaire se blesser ravive chez vous de mauvais souvenirs ?
Pas vraiment parce que nous sommes encore loin des Jeux… Mais je pense qu’à mesure qu’ils approcheront, ce sera différent. En revanche j’ai une pensée pour de jeunes joueuses comme Lucy Hapulat qui s’est fait les ligaments croisés en début de saison lors du stage aux Fidji.

Cette peur de la blessure n’est pas encore là donc…
Elle a toujours été là, sauf qu’aujourd’hui il faut laisser ça de côté. C’est justement en y pensant qu’on a le plus de chances de se blesser. De toute façon, ce sont des choses que l’on ne maîtrise pas. On ne peut pas jouer au rugby à moitié, car c’est comme ça qu’on se fait mal.

Comptez-vous aller voir d’autres sports au Jeux Olympiques ?
Bonne question ! Il faudra déjà être sélectionnée… Mais si j’ai la chance d’y être, on nous a expliqué qu’on ne pourra pas garder nos accréditations en dehors de nos compétitions. Dès qu’on aura fini, on devra les rendre et nous n’aurons plus accès aux autres sports sauf si nous achetons des billets… On verra en temps voulu.

Joanna Grisez et les Françaises espèrent devenir championnes olympiques devant leur public.
Joanna Grisez et les Françaises espèrent devenir championnes olympiques devant leur public. Icon Sport - FEP


La vie de septiste est quand même une drôle de vie non ?
C’est une vie particulière oui, mais nous sommes quand chanceux de pouvoir faire le tour du monde pour pratiquer notre sport. Il y a tellement peu de sportifs qui peuvent le faire… Je pense notamment à tous ceux qui doivent se financer eux-mêmes, donc clairement on ne va pas se plaindre. Après, c’est comme tout : il y a des bons et des mauvais côtés. On vit à 12 000 à l’heure, on est toujours entre deux valises, deux avions et trois décalages horaires ! Cela laisse peu de places aux projets à côté, d’autant plus sur une année olympique. C’est dense, mais hypercool à vivre.

Avez-vous compté le temps que vous passez à l’étranger sur une année classique ?
Environ six mois je pense. Il y a huit étapes mondiales : pour chaque étape on part deux semaines, pour celles qui se suivent, les doublons, on part trois semaines. À cela s’ajoutent les stages à l’étranger, les Coupes d’Europe… On dépasse même peut-être les six mois.

Comment vit-on entre les décalages horaires et les changements brutaux de climat ?
On s’adapte ! On apprend à être moins perturbée par les éléments, on fait avec ce qu’il se passe. Partir à Dubaï au mois de décembre, ça implique de passer de 0 à 35 degrés à l’ombre en quelques heures. Mais nous avons la chance, au CNR, de bénéficier d’une salle environnementale où nous pouvons ajuster la chaleur, l’humidité et même l’altitude ! On peut ainsi faire quotidiennement des séances qui nous mettent dans les conditions météorologiques que l’on va connaître. C’est un outil très précieux.

Vos fameuses séances dans cette salle de torture ont l’air terribles…
(rires) C’est le but ! Faire un effort extrême dans la chaleur et l’humidité pour anticiper. Ce n’est pas agréable, mais sans ça on subirait beaucoup plus les voyages. Et enfin, je vous avoue que c’est assez kiffant de partir à Dubaï en décembre quand tout le monde se pèle et joue dans la boue en France ! Donc encore une fois, on a beaucoup de chance.

En dehors du temps vous vivez à Marcoussis ?
Cela dépend de chacune, nous avons le choix. En tant que salariées de la FFR, nous devons trouver un logement à proximité du CNR pour nous y rendre facilement. Je fais partie de celles qui ont un logement en région parisienne, mais d’autres vivent en province, où elles payent des loyers et des crédits pour leurs logements. Donc elles payent la location d’une chambre au CNR pendant les rassemblements.

Est-ce parfois difficile à vivre ? L’éloignement, le manque de vos proches…
Si, forcément… il y a des moments durs dans la saison. Mais on s’y habitue et on sait aussi que cela ne pas durer éternellement. Ce n’est qu’un passage. Il faut voir cela comme une opportunité, et en accepter les aléas : ne pas rentrer chez soi, ne pas choisir ses vacances, louper les mariages et les anniversaires… Ça fait partie du jeu. On n’a pas envie de s’apitoyer sur notre sort en pensant à tout ce que l’on manque. Parce qu’à côté, on compense en vivant des choses exceptionnelles et on a la chance d’avoir aussi une vie de groupe exceptionnelle.

En vacances, vous avez encore la bougeotte ou vous devenez casanière ?
Cela dépend de chacune ! Certaines ne pourront plus voir un avion ou un train de près ou de loin, tandis que d’autres aiment repartir. Personnellement, je suis un mélange des deux : cela dépend de l’année qu’on a vécue, mais en général cela ne me dérange pas d’organiser un gros trip et de repartir en voyage.

Revenons à l’intensité de vos entraînements à VII, et notamment ceux dans la salle environnementale. On dirait qu’à VII, vous allez plus souvent chercher vos limites qu’à XV…
C’est lié à la pratique. Aujourd’hui, tu es obligée de te mettre tous les jours dans des états pas possibles pour les tenir dans le contexte d’un tournoi. Sans ça, on ne peut pas être performante. Le but est de passer beaucoup de temps dans ces zones de fatigue extrême. Il faut toujours être capable de repartir au sprint, de se relever, de faire une passe de plus… le VII, c’est ça. Si tu ne fais pas ça, les tournois sont invivables.

Il faut forcément avoir un côté masochiste pour faire du VII non ?
(rires) Je ne sais pas… Encore une fois, cela fait partie de la discipline, je ne sais pas quoi répondre. Ce n’est pas parce qu’on le fait tous les jours que l’on aime souffrir ! On sait juste que ça fait partie du jeu, il faut s’entraîner comme ça pour être performante. Si tu triches, si tu ne vas pas au bout à chaque fois, tu le verras sur le terrain. Tout le monde s’entraîne comme ça. Si tu veux gagner, tu dois le faire aussi. Si tu veux juste participer et que la place de sixième te va, très bien, ne te fais pas mal. Mais si tu veux atteindre le sommet, tu n’as pas le choix.

Trouvez-vous que les jeunes générations ont la même appétence pour ce sens de la souffrance ?
Oui, parce qu’elles y sont encore plus habituées que nous l’étions. Le rugby féminin s’est développé depuis. Les clubs, les pôles jeunes, les compétitions avec le 6 Nations U18… les filles sont prêtes et sensibilisées au haut niveau de plus en plus jeunes.

Quel est votre geste préféré à VII ?
Le raffut.

Alors justement, on l’avait identifié comme votre spécialité. On préciserait même « le raffut visage », comment avez-vous développé ce superpouvoir ?
(rires) En plus je suis quelqu’un de cool dans la vie, alors que ce geste fait très violent… Je ne sais pas d’où cela vient. Peut-être du fait que quand j’ai commencé le rugby, j’en ai pris énormément, et que c’est un calvaire à défendre : tu ne vois rien, t’es à distance… Je pense aussi que cela fait partie de ma personnalité : je vois vraiment le rugby comme un sport de combat. Sur un terrain, c’est toi ou l’autre. Si tu n’as pas envie de prendre un tube et de te faire éclater les côtes, tu trouves des stratagèmes. Le mien a été le raffut visage, sans vraiment le vouloir. C’est juste que c’est très chiant à défendre.

Le raffut est l'un des gestes favoris de la septiste.
Le raffut est l'un des gestes favoris de la septiste. Icon Sport - FEP

Vous avez en effet deux facettes : vous paraissez calme et posée en dehors du terrain, et impitoyable sur le terrain. Vous n’êtes plus tout à fait la même Joanna ?
Ce n’est pas faux. J’ai ce truc-là, je « switche ». Pour moi, le rugby c’est la guerre. On n’est pas là pour s’entre-tuer bien sûr, mais c’est un sport de combat. C’est un duel, entre elle et toi. Dans mon esprit, il faut vraiment faire mal à l’autre, s’imposer physiquement, pour qu’il subisse. Le tout dans la règle évidemment ! Sur un terrain de rugby, il n’y a plus de potes. Si je peux te faire mal, désolée mais je le ferai. Après c’est donnant-donnant. Si je dois ramasser, je ramasserai.

À l’heure où nous échangeons (le 4 avril dernier), on vient d’apprendre que vous allez aussi retrouver le XV de France pour le Tournoi, avec Anne-Cécile Ciofani et Chloé Jacquet. Cela va être votre premier Tournoi des 6 Nations ?
C’est ça, j’ai hâte de le découvrir même s’il y a un peu d’appréhension de retourner à XV à cette période de la saison. Je n’ai pas rejoué à XV depuis la Coupe du monde, mais j’ai envie d’être performante rapidement. Je suis honorée de cette convocation parce que je n’ai jamais disputé de 6 Nations, et c’est une compétition majeure. Mais chaque chose en son temps ! D’abord, nous avons Hong-Kong. On ne fera pas Singapour, et on rejoindra le XV de France.

Vous avez aussi décidé de vous engager l’année dernière avec les Lionnes du Stade bordelais, un transfert dont on a peu parlé. Pourquoi avez-vous choisi ce club ?
L’année dernière, en mars 2023, on a appris que notre planification à VII allait changer : on allait avoir moins de temps au CNR, et plus de temps en PPA (préparation physique adaptée, NDLR.) où l’on s’entraîne seules avec les GPS. On nous a donc conseillé de nous rapprocher des clubs, tant pour la préparation physique que pour la prise en charge des soins. En clair, si on se blesse on doit retourner en club. En ce qui me concerne, Bobigny est clairement mon club de cœur. J’adore ces filles, j’adore l’ambiance de « Boboche » mais il y a un manque d’infrastructures, ne serait que pour la musculation ou la réathlétisation. Il me fallait donc une structure adéquate. Le deuxième facteur, c’est l’idée de postuler à XV pour disputer la Coupe du monde en Angleterre l’année prochaine. Il me fallait un club compétitif. Le Stade bordelais remplit tous ces critères : ça fonctionne, c’est structuré. En plus j’ai toujours été attirée par le Sud-ouest. Je me vois bien m’y installer plus tard.

Et ensuite ?
J’ai donc pris mon téléphone et j’ai trouvé les numéros des dirigeants de Bordeaux. Je leur ai expliqué mon projet, mais aussi mes contraintes avec notamment les Jeux cette saison. L’idée était quand même de signer l’année dernière pour mettre un pied au club, rencontrer les filles, intégrer le projet de jeu, histoire de gagner du temps sur la saison prochaine et postuler en 2024-2025 au XV de France si la Fédération décide de prolonger mon contrat.

Vous êtes donc votre propre agent…
C’est un peu ça ! (rires) Après il faut reconnaître que nous, les septistes, sommes souvent des cadeaux empoisonnés pour les clubs à XV : en clair on ne peut pas vraiment compter sur nous à cause du calendrier à VII.

Espérez-vous que l’Elite 1 se développe ? On commence à voir de belles affluences, mais toujours pas de diffuseur télé. C’est la prochaine étape ?
Ce serait un vrai tremplin pour le rugby féminin c’est sûr. Et cela apporterait des moyens financiers, de la médiatisation, des partenaires… cela créerait un cercle vertueux. Les filles ont besoin de s’entraîner plus, d’avoir du temps pour le faire, etc. tout est lié. À l’exception de 40 joueuses sous contrat, toutes les filles de l’Elite 1 bossent la semaine. Quarante joueuses, cela ne te fait pas un championnat. Il faut aider ces joueuses pour le niveau de jeu augmente et que cela attire la télé et les partenaires.

J’essaye de boucler une formation en décoration d’intérieur même si c’est un grand échec depuis un an et demi !


Le rugby féminin a aussi besoin d’égéries. Avec vos cheveux blonds, votre physique athlétique et votre esprit guerrier, vous paraissez cocher toutes les cases, êtes-vous prête à assumer ce statut ?
Là, on touche à la question de la féminité et de la représentation de la femme dans le sport, et tous les clichés qui s’ensuivent. C’est un peu dur je trouve, car on attache encore trop la place de la femme dans le sport à son physique. J’aimerais que l’on se détache de cela. Chez les gars, on s’en fout de savoir s’il a les chicots droits ou s’il est bien coiffé…

Dan Carter ou Jonny Wilkinson avaient tout de même des physiques avantageux…
Oui mais est-ce que cela aurait changé quelque chose s’ils n’avaient pas eu les dents alignées ? Jonah Lomu avait bien une coupe de cheveu ridicule, et cela ne l’a pas empêché d’être l’un des plus grands rugbymen de tous les temps ! Si cela doit passer par là, pourquoi pas. Mais c’est une question à travailler. C’est un peu emmerdant de voir que la médiatisation des femmes dans le sport dépende encore de leur physique. Je prends souvent l’exemple de la judokate Romane Dicko (qui évolue dans la catégorie des plus de 78 kg, NDLR.). Elle est ultra-performante, on commence à beaucoup parler d’elle et elle sort des clichés de la femme sportive avec des abdos apparents, des trucs et des machins… J’ai envie de croire qu’on va pouvoir, un jour, sortir de ce truc où l’on doit attirer les gens vers le sport féminin par le physique.

Et en dehors du rugby, que faites vous dans la vie ?
J’aime voyager, lire, passer du temps avec mes amis quand je le peux… J’essaye de boucler une formation en décoration d’intérieur même si c’est un grand échec depuis un an et demi ! (rires) Entre mes doigts cassés, mes blessures aux mains et les voyages j’ai un peu de mal à me remettre dans la scolarité. En tout cas j’aime réimaginer les intérieurs : prendre un appartement un peu miteux et en faire quelque chose agréable. J’ai aussi mangé, aller au ciné… Bref des hobbies assez classiques !

De quels diplômes disposez-vous ?
J’ai suivi un cursus Staps à l’Université Paris Descartes et ensuite à Paris Sud. J’ai validé un MBA en Management du Sport avec l’école SMS à distance.

Vous aimez la décoration d’intérieur mais êtes-vous bricoleuse ?
Pas du tout ! Moi je serai dans le design. Pour tout vous dire j’ai été récemment très fière de moi quand j’ai réussi à changer une ampoule et une suspension, donc cela vous situe mon niveau en bricolage ! Je sais enlever du papier peint, et peindre des murs, c’est tout… En revanche j’aime choisir les meubles, les couleurs, jouer avec les espaces, etc.

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Les commentaires (2)
Alain65 Il y a 10 jours Le 24/04/2024 à 10:13

Joanna GRISEZ a bien raison. Pour moi qui connait très bien mon ami Thierry JANECZEK qui a été un des précurseurs de ce rugby à VII, cette discipline est restée trop longtemps "confidentielle" dans la mesure où elle n'a pas connu une grande diffusion. Encore une chose très positive d'Antoine DUPONT qui apporte une popularité méritée du VII. Est-ce le début d'une diffusion sur les grandes chaînes lors de J.O. qui démarrera ?

Anhuro Il y a 10 jours Le 24/04/2024 à 08:24

Ça c'était avant Hong Kong ou malheureusement les bleues n'ont pas "brillé".
Surtout lors du match contre USA en quart où elles étaient sur les genoux et certaines Ciofani et j Grizes n'avancaient plus en 2 e mi-temps.
Contre l'Australie pour la 3e place le début a été très bon et la 2e mi-temps identique au quart